Aller au contenu principal
Menu
OUPS! Vous n'avez pas pu être géolocalisé!
Hélène

Hélène,

et ses garçons

Les deux valises posées en équilibre précaire sur le porte-bagage tombent brutalement de son vélo. Les paysans qui travaillent la terre le long de la route la regardent, amusés. « Même les valises ne veulent pas venir à Plédéliac ! » dit-elle à sa soeur en riant. Elle n’est pourtant plus très loin de la petite ville des Côtes-d’Armor où elle va s’installer pour prendre une place d’institutrice. Courage ! Elle fait plusieurs tours de sandow autour des valises et remonte sur son vélo.

« T’as pas idée ! »

 lui dit sa mère quand elle lui annonce qu’elle va se marier à un agriculteur. « La seule qu’on avait tiré de la misère. La v’la qui veut retourner dans une ferme ! ». Elle choisit pourtant ce métier de son plein gré. Elle a rencontré Émile à l’atelier théâtre de Plédéliac, ils appartiennent tous les deux aux Jeunesses Rurales, ils ont un idéal. Ils veulent participer à la transformation du milieu agricole, sortir de la pauvreté, inventer une nouvelle manière de vivre à la ferme. Il faut se retrousser les manches mais avec du travail et de l’ardeur, ils y arriveront !

« Coat » en breton veut dire forêt.

Hélène, Éleveuse

C’est au bord de la forêt de chênes et de châtaigniers de Coat Jegu,

dans la ferme des parents d’Émile qu’ils s’installent. Une pièce unique, une grande cheminée, quelques vaches laitières, des cochons, des poules et vingt hectares. « On est partis comme ça ! » dit Hélène. Émile connaît déjà bien son métier. Il travaille dur, va au marché aux bestiaux de Lamballe pour vendre une truie et quelques cochons de l’élevage.

Un jour, la tuberculose sévit dans les cheptels de la région, plusieurs vaches et la jument de la ferme sont contaminées. Catastrophe : plus de jument pour cultiver les terres. Un homme du village qui aime bien Émile lui dit : « Émile, n’achète pas une jument, achète un tracteur ! ». Et en effet c’est ce qu’il faut faire. Mais avec quel argent ? Émile part à vélo sur le champ pour négocier un prêt. À peine rentré le tracteur est déjà là, flambant neuf ! Son propriétaire n’a pas attendu l’accord du prêt pour le livrer. Ils sont tirés d’affaire.

Hélène est aux champs, s’occupe des animaux.

Sur une photo, on la voit jeune, en jupe, bottes et fi chu, dans la cour en terre battue, donner à manger aux cochons à l’écuelle. Mais rapidement elle troque sa jupe pour une cote de travail, ses bottes pour de grosses chaussures à lacets. Elle est avant-gardiste, Hélène.

Famille Hamon
La famille Hamon

Émile aussi a une âme de pionnier.

En quinze ans, il transforme la ferme, vend ses vaches laitières, choisit l’élevage de porcs et la culture céréalière. L’époque du marché aux bestiaux est révolue, on entre dans l’ère de l’agriculture raisonnée. Hélène, elle, s’occupe de la maternité dans l’élevage. Tout est à mettre en place : les nouvelles techniques de soin des truies et des porcelets, la planification des mises bas, le geste juste à chaque étape. Ainsi va la vie. La ferme se transforme, la maison s’agrandit, les enfants naissent : deux filles puis trois garçons.

La ferme vibre comme une ruche. Autour d’eux, les exploitations évoluent aussi. C’est l’époque où l’on crée des groupes d’éleveurs, des centres techniques agricoles, des coopératives. Progressivement, c’est toute une communauté qui se professionnalise, sort de la pauvreté et de sa fatale répétition, d’une génération à l’autre. Pour Émile et Hélène, c’est une quête qui se réalise. Ils sont heureux.

Pourtant, un jour vient l’âge de la transmission.

Il faut occuper autrement ses journées. Plusieurs amis voisins l’incitent à se présenter avec eux à la mairie de Plédéliac. Elle leur dit : « D’accord, on tente notre chance mais promettez-moi une chose : ne critiquez jamais la liste adverse. » Son entourage accepte, parfois du bout des lèvres, mais ils acceptent. Ils gagneront les élections et resteront à la mairie pendant plus de dix ans. Ça, c’est Hélène. Un modèle d’intégrité.

Quant à Émile, il travaille encore plusieurs années avec son fils aîné, Michel, avec qui il crée le GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) Coat Bihan (signifiant « petit bois » en breton). Il poursuivra avec Denis, son deuxième fils. Ils connaissent le métier bien sûr, enfants ils aidaient souvent à la ferme le dimanche. Mais le travail est devenu technique, la filière s’est professionnalisée. Il leur met le pied à l’étrier. Bruno, le plus jeune des garçons, vogue lui jusqu’au Texas après ses études agricoles. Il court après d’autres pratiques, d’autres environnements.

Puis Bruno, le plus jeune de ses fils crée la surprise

en s’installant à Plédéliac, quelques années plus tard. Les nouvelles normes environnementales entraînent des changements de pratiques à l’élevage, Bruno propose à ses frères de s’associer avec trois éleveurs du coin pour créer une station commune de traitement du lisier. Une réussite qui leur permet de poursuivre l’aventure familiale.

Quand aujourd’hui Hélène, son tablier autour de la taille et ses sabots aux pieds, longe les bureaux de l’exploitation pour se rendre au poulailler - celui qu’elle avait dans sa jeunesse ! -, elle regarde avec étonnement les douze grands silos blancs de l’élevage qui s’élèvent devant elle. Comme tout a changé depuis le jour où elle est arrivée en vélo à Plédéliac ! Elle reconnaît à peine les lieux.

Famille Hamon
La famille Hamon
Famill
La famille Hamon
Famille Hamon
La famille Hamon
Famille Hamon
La famille Hamon
Famille Hamon
La famille Hamon
Famille Hamon
La famille Hamon
Famille Hamon
La famille Hamon

Elle est fière de ses trois fils, héritiers de l'esprit pionnier de leur père. 

Hélène, Éleveuse

Ils voient juste.

Ils vivent dans leur époque, bien différente de la sienne. Elle aime les observer, les écouter parler de cultures sans pesticide, de responsabilité environnementale, de bien-être animal. Ils la surprennent. Quand par exemple ils ont supprimé la castration des mâles. C’était à son époque une pratique qui s’était imposée, qui n’étonnait plus personne, eux ont osé la remettre en question. Ils ont réitéré en supprimant purement et simplement les antibiotiques. Hélène, qui a développé une médication de pointe et qui soignait avec des antibiotiques à la maternité, se demande encore aujourd’hui comment c’est envisageable. Ils ont changé les habitudes, ont avancé avec leur temps. Aujourd’hui, elle peut dire qu’ils ont été visionnaires.

Et puis, ils ont l’esprit de corps.

Jamais elle n’a entendu une dispute entre les frères. Ensemble on est plus forts, Émile et elle le savaient bien ! C’est avec beaucoup d’émotion qu’elle a appris il y a quelques mois que son petit fils François, enfant de Michel et ingénieur agronome, allait à son tour entrer dans l’exploitation familiale. François représente encore une autre époque, il parle avec d’autres mots : durabilité, dimension sociale, environnementale.

Elle ne comprend pas toujours bien le sens exact que chacun met derrière ces termes, mais elle sent chez lui la même ardeur qu’Émile et ses fils. Le même désir d’aller de l’avant, d’oeuvrer pour le bien commun, comme elle tentait de le faire, elle aussi, à la ferme puis à la mairie. Sûr, il va donner un nouveau souffle à l’aventure familiale. Avec d’autres moyens.

L’autre jour, François lui a montré les chiffres de l’élevage sur son téléphone portable.

L’élevage sur un téléphone, pouvez-vous le croire ? Sur l’écran : la date de naissance de chaque porcelet, son alimentation, son parcours dans l’élevage. « Mon téléphone, c’est l’outil indispensable pour conduire l’élevage » dit-il. Elle n’en revient pas. Ces écrans qui envahissent le monde la dépassent un peu. Où sont les cahiers d’élevage et les livres de sa jeunesse ? Tout se transforme, et c’est certainement bien comme ça. Elle qui a tant désiré changer le monde à son époque ne va pas dire le contraire. Elle garde pourtant une tradition immémoriale, et celle-ci, elle y tient. Chaque vendredi, elle prépare des galettes et ouvre sa table. Vient qui veut !

.La roue tourne, tourne, tourne, se dit-elle. L’oeuvre s’accomplit •

De notre coop' à votre assiette De notre coop' à votre assiette

La force de Brocéliande c'est notre modèle coopératif et notre maîtrise de toute la filière, de l'élevage à votre assiette ! Venez découvrir notre fonctionnement, nos valeurs et nos engagements !